Je me lève, il fait encore nuit et le mois de Septembre commence déjà à faire sentir un rafraîchissement de l'air. L'été est encore là mais plus pour très longtemps.
Charger les planches et le matériel dans le vent d'Est frais et dans la nuit noire a quelque chose d'un peu irréel.
Pourtant, on entend au loin un bourdonnement qui fait penser qu'aujourd'hui, on ne s'arrache pas du lit pour rien.
Arrivé derrière la dune, je sais que le scénario sera le même qu'à chaque fois; les pieds nus dans le sable humide et frais, l'odeur des pins et des plantes de la savane, peut-être un lapin ou deux qui traversent devant moi, un chasseur en train de préparer ses filets à alouettes et l'excitation qui monte à mesure que je me rapproche du haut de cette dune. Je cours presque dans les derniers mètres...
Et là... là sont les vagues.....
Dans cette lumière un peu grise du matin.
J'enfile ma combinaison un peu à contrecoeur; ce serait si bon de surfer en short!!! Mais ca voudrait dire qu'au bout de 40 minutes je serais mort de froid.... pourtant, il y a seulement 10 jours..... oui mais voilà, c'est déjà presque l'automne.
Seul?
Oui, seul...."Enfin seul", pourrais-je même dire.
C'est pour moi l'expérience de surf ultime.
Jamais à l'abri d'une blessure, je suis plus prudent, je "charge" moins, je tente moins de manoeuvres délicates, je m'assure que la vague va ouvrir.
J'ai toujours en tête, à ces moments-là, l'histoire de ce surfer solitaire, maintenant proche de la cinquantaine, qui, dans les années 70, par une grosse houle d'hiver s'est cassé la jambe dans une vague. Il a dû se traîner jusqu'à sa voiture avec une fracture ouverte, puis filer chez un médecin...
Parfois après une joli glissade, j'ai envie de crier à un compagnon imaginaire:"T'as vu cette vague que j'ai eue?!?".
Mais je suis seul alors je jubile intérieurement.
Evidemment, ça ne dure jamais très longtemps, voilà déjà d'autres lève-tôt (toujours les mêmes, d'ailleurs...) qui descendent la dune en courant.
Je suis partagé entre déception et envie de partager enfin ces vagues.
Le rêve prend fin, le surf et le monde modernes viennnent de me rattraper...
