Accès membres:

Pseudo:

Mot de passe:


Création de compte

Mot de passe perdu ?



Septembre 73

Ce texte est long.
Il aurait pu faire l'objet d'un article en lui même mais je n'ai pas l'occasion de pouvoir le mettre en ligne et il n'y a pas d'images pour légender.
Désolé si ce n'est pas "vendeur".
Que les fanatiques du SMS passent leur chemin.
Que les amateurs de surf s'accrochent, ça en vaut la peine, grand frisson garanti.

Au fait, l'auteur de ce ligne est Guilhem Rainfray, figure que je ne devrais pas tarder à vous faire connaitre via une interview (je rédige, c'est long).

_____________________________________________________________
Lecture
_____________________________________________________________

SEPTEMBRE 73


L’été 1973… Je venais d’avoir (miraculeusement) mon bac et j’étais inscrit en DEUG d’Anglais à Nanterre pour la rentrée, laquelle se situait vers le milieu du mois d’Octobre.
Voilà qui laissait un peu de temps pour profiter des fameuses vagues de Septembre, celles-là même dont tout le monde m’avait parlé mais que je n’avais jamais pu surfer jusque là pour cause de rentrée scolaire…

De surcroît, l’été n’avait pas été prodigieux du point de vue vagues, toutes les conditions étaient donc réunies pour que Daniel (mon super-pote, co-glasseur de mes premières tentatives de planches) et moi-même décidions de prolonger notre séjour au-delà des grands retours de fin Août.

Nous nous installâmes donc dans la petite maison jouxtant celle de mes parents à Guéthary avec la ferme intention de vivre au rythme des marées et des couchers de soleil jusqu’à plus soif. C’était quasiment ma première expérience de liberté totale (pas de parents ! ! !) et j’étais bien décidé à en profiter …

Malheureusement, s’il y a souvent de bonnes vagues en Septembre, il arrive aussi que le temps soit légèrement détraqué par les équinoxes. Et c’est précisément ce qui se produisit. Pendant une dizaine de jours d’affilée, pluie, vents et tempête furent notre quotidien. En fait de vagues paradisiaques et de couchers de soleil, nos journées se passaient à scruter désespérément le ciel en quête d’une quelconque éclaircie. Lorsque celle-ci se produisait enfin, nous foncions à la terrasse de Parlementia (avec les K-ways) pour regarder la mer. Laquelle, sous les effets conjugués de gros coefficients de marée et de violentes tempêtes sur le Golfe de Gascogne, commençait à ressembler aux fameux maelströms des fjords norvégiens : jusqu’à l’horizon (bouché par la pluie) ce n’était que mousse blanche et désordonnée, une barre quasi ininterrompue allait de Biarritz à Hendaye et les goélands faisaient du sur-place, incapables de lutter contre la force du vent. Bien sûr, c’était gros, mais surtout totalement chaotique, le courant dans le chenal du port ressemblait aux rapides du Colorado…

Et nous rentrions, une fois de plus, chassés par une nouvelle averse, désespérant de voir enfin le temps se calmer et surveillant avec angoisse sur le calendrier la date prévue de notre retour vers Paris qui se rapprochait inexorablement… Les soirées dans Etche Tikkia (« petite maison », en Basque) devenaient de plus en plus moroses et les boîtes de cassoulet William Saurin et de raviolis Buitoni s’empilaient tristement dans la poubelle. Pour nous remonter le moral, nous avions instauré le rituel du café/cognac après le dîner mais, très vite, nous étions tombés en panne de cognac. J’avais donc fait une virée dans le placard à alcools de mes parents mais tout ce que j’avais trouvé était une bouteille de Cointreau. Et, croyez-moi si vous n’avez jamais testé, le café/Cointreau c’est franchement dégueulasse… Même l’alcool se liguait contre nous, la situation devenait vraiment critique.

Et soudain, un matin, le miracle ! Oh, pas le grand soleil avec vent du sud, non, mais tout de même une véritable éclaircie après cette apocalypse de mauvais temps. Des trous bleus au milieu des nuages gris qui finissent de s’enfuir vers l’intérieur du pays, le signe de l’espoir. Et, surtout, il ne pleut plus ! Soudain optimistes, nous filons jusqu’à la terrasse. Sur la mer, le ciel se dégage de plus en plus, que demande le peuple ?

Bon, bien sûr, l’état de la mer laisse encore à désirer : dix jours de tempête, on ne peut pas espérer du glassy de rêve du jour au lendemain ! Putain, que c’est gros ! Plus gros que tout ce que j’ai jamais vu ici. Ca part presque de l’horizon (la marée est basse) et de gigantesques barres fumantes se succèdent de façon totalement irrégulière. Le courant est énorme, toute cette énergie qui rentre doit bien ressortir quelque part et elle le fait par le chenal du port entre Parlementia et Les Alcyons. J’ai déjà vu des mecs qui avaient perdu leur planche passer plus d’une heure dans ce courant avant de réussir à regagner la côte, épuisés, et c’était moins gros qu’aujourd’hui…

Pendant de longues minutes, nous observons les séries qui rentrent : les fameuses « décalées », caractéristiques de Guéthary, rejoignent carrément le pic des Alcyons, formant de gigantesques barres qui viennent mourir dans le port. C’est la première fois que je vois ça : normalement, la profondeur dans le chenal est suffisante pour que, même avec de grosses conditions, les vagues ne puissent s’y former. Ca a quelque chose de surnaturel, et, pour tout dire, légèrement angoissant… Mais, par rapport à la veille, on est bien obligé de dire qu’il y a une amélioration, un semblant de tentative de régularité, même si c’est toujours profondément confus…

Daniel et moi on se regarde et la question qu’on ne pose même pas, tellement elle est évidente après tous ces jours d’attente, est la même pour tous les deux : « Tu crois que ce soir, peut-être, à marée haute, si le vent est complètement tombé… ? »

Pendant toute la journée, on a passé notre temps à regarder les arbres et la mer :
-« Regarde, les feuilles ne bougent presque plus… »
-« Ouais. Et plus la mer remonte, plus c’est régulier… »
-« Fin d’après-midi ? »
-« OK. Fin d’après-midi. »

C’est la fin de l’après-midi. Le soleil est presque définitivement revenu. Seuls quelques rares nuages traînent encore. Le vent est tombé. C’est la condition qu’on avait posée pour y aller : que le vent tombe. Et il est tombé. Debout sur la plage dans mon « long-john » O’Neill noir avec une incrustation en nylon vert, (acheté l’année précédente à un « ricain » de passage qui vend tout ce qu’il a pour pouvoir rentrer chez lui) je me sens « coincé ». De la terrasse, ça semblait déjà très gros, mais maintenant qu’on est sur la plage, presque au niveau de l’eau, je réalise que c’est TROP gros. Tout seul, je n’irais jamais. La plage est déserte, pas de témoins, je pourrais discrètement enlever la combi et rentrer à la maison, personne n’en saurait jamais rien. Oui, mais il y a Daniel, juste à côté de moi, la force tranquille… Je n’ai pas envie de perdre la face en disant : « Ecoute, j’ai la trouille. Une trouille viscérale. Tu fais ce que tu veux, moi j’y vais pas… » Rétrospectivement, je pense que Daniel pensait exactement la même chose.

Et voilà comment deux grands couillons qui ne voulaient pas s’avouer l’un à l’autre qu’ils étaient morts de trouille se sont retrouvés à Parlementia un jour de Septembre 73, dans des conditions improbables. De plus, les planches dont nous disposions étaient bien loin d’être adaptées à ces conditions. Celle de Daniel était la fameuse « planche à la plume de paon » shapée par Mike DIFFENDERFER pour François LARTIGAU quelques années auparavant. Bonne planche au demeurant, mais je doute fort que ce pauvre Mike avait en tête de surfer un Guéthary apocalyptique avec elle. Quant à moi, bien qu’ayant toujours shapé de préférence des guns d’inspiration hawaiienne, eh bien comme par hasard la seule planche qui me restait ce jour-là était une 7’ swallowtail très épaisse de partout, un genre de fish avant la lettre en un peu plus long… Très bien pour Bidart. Jusqu’à 1,50 M…

On s’est mis à l’eau juste à droite du chenal du port, entre les rochers, en face de la cabane des CAMY qui tenaient, à l’époque, le club de plage « Les pingouins » où (ne riez pas) j’ai passé toute mon enfance : pendant des années, j’ai fait des jeux et des concours en chantant ce gai refrain aux rimes approximatives :
« Sur la plage de Guéthary
Il y a un club où l’on y rit.
Amis, ne cherchons pas plus loin :
Ce ne peut être que « les Pingouins », ta-ga-da-tsoin-tsoin ! »

Dès que j’ai commencé à ramer, j’ai su que je ne maîtrisais pas la situation. Au cinquième ou sixième coup de rame, j’avais avancé de dix mètres mais, dans le même temps, j’avais dérivé de cinquante mètres vers la gauche et j’étais à présent en plein dans le chenal. Le courant m’emmenait vers le large comme un torrent de montagne et « le large », en l’occurrence, était le pic des Alcyons, monstrueux.

A force de ramer comme un dément vers la droite, j’ai fini par sortir du courant pour me retrouver dans une zone où le clapot était tellement haut qu’on aurait dit des vagues, un jour normal… J’ai rejoint Daniel et, tout en continuant à ramer vers la droite pour ne pas repartir dans le courant, on a observé ce qui se passait. En regardant vers la côte, j’ai vu l’ancien casino, tout petit, et je me suis dit que, pour une marée haute, on était anormalement loin… Nous nous trouvions pile entre Les Alcyons et Parlementia, au large, et, lorsqu’une série rentrait, nous étions soulevés à plusieurs mètres de hauteur par l’ondulation. Cinquante mètres à droite, ça déferle, cinquante mètres à gauche, ça déferle aussi. S’il y a une série un peu plus grosse, ça va péter au milieu, juste là où on est, c’est clair… Je commence à penser qu’on ne va jamais rentrer. Comme je l’ai dit, il n’y a personne sur la plage pour prévenir l’hélico, et encore faudrait-il qu’on puisse nous voir depuis la plage, ce dont je doute fortement.

Je ne sais plus combien de temps on est resté comme ça, entre les deux pics, à ramer comme des dingues un peu plus vers le large lorsqu’une série plus grosse rentrait… Et soudain, au bout d’un moment, Daniel me dit : « Bon . On va pas rester là éternellement. Je vais essayer d’en prendre une plus petite que les autres. » Et il commence à ramer vers la droite, vers le pic de Parlementia. J’ai envie de crier : « Non ! Ne me laisse pas là tout seul ! » mais je n’y arrive pas. Et je n’arrive pas non plus à me décider à le suivre. Au moins, là où je me trouve, je suis peut-être à l’endroit le plus sûr. Oui, mais la nuit va finir par tomber… La fameuse histoire de Woody BROWN et Dick CROSS coincés au large de Waimea à la nuit tombante ne cesse de me résonner dans les oreilles : « Woody BROWN finit par être rejeté par une vague, inconscient, sur la plage. On suppose que Dick CROSS a trouvé la mort cette nuit-là, quelque part au large… »

Quand Daniel a commencé à aller vers le pic, il y avait une accalmie. Je savais ce qu’il voulait faire : atteindre le pic avant l’arrivée d’une série, en espérant qu’elle ne soit pas trop démente et être en position soit pour en prendre une, soit pour se faire emmener par la mousse d’une qui aurait déjà éclaté. C’était évidemment la seule chose intelligente à faire, plus intelligente en tous cas que de rester bloqué au large en pleine nuit. Mais j’étais tellement tétanisé par la trouille que je n’arrivais pas à bouger. Pendant ce temps-là, Daniel continuait de progresser régulièrement vers la droite, il était à présent en plein dans la zone où, dix minutes avant, nous avions vu déferler de véritables monstres dont l’épaisseur dépassait l’entendement, encore plus que la hauteur.

C’est pile à ce moment-là que, soulevé par une ondulation, j’ai eu, l’espace d’un instant, juste avant de redescendre dans un creux, la vision de l’horizon qui s’obscurcissait.

La « décalée » ! La fameuse série décalée de Guéthary, celle que tout le monde, un jour ou l’autre, s’est ramassée en travers de la figure parce que, précisément, elle « pète » cinquante mètres plus à gauche que les autres…

Je me souviens avoir crié : « DERRIERE ! ! ! !… » en espérant que Daniel entendrait et l’espace d’un instant je me suis demandé s’il valait mieux que je reste sur place là où j’étais ou que je rame vers le large avec une chance sur cent de pouvoir passer. Et puis l’instinct de conservation a pris le dessus et je me suis jeté à plat-ventre en ramant comme jamais je ne l’avais fait. Et tout en ramant, je me disais : « Je vais mourir. Je vais mourir. Je vais mourir. Je vais… »

Quand j’ai commencé à ramer vers le haut de la première, ce qui m’a frappé c’est que, jamais auparavant, je n’avais compté mes coups de rame en passant une vague et que là, j’en étais à six, sept, huit, et qu’il y avait encore un bon mètre-cinquante de pente au-dessus de moi… J’ai passé la première avec un mélange de soulagement et de terreur. Soulagement parce que j’étais encore vivant, terreur parce que je venais de voir ce qui arrivait derrière. Je me suis retrouvé en train de surfer sur le dos de la vague que je venais de passer, dévalant une pente de folie à l’aveugle parce qu’une véritable averse d’orage s’abattait sur moi. Et, derrière moi, j’ai entendu un sifflement suivi d’un grondement caverneux et assourdissant. J’ai passé la deuxième dans les mêmes conditions mais cette fois en me disant que j’allais probablement faire un arrêt cardiaque avant de mourir noyé parce que j’entendais mon cœur battre contre le pont de la planche alors que je ramais.

J’ai commencé à escalader la troisième (je ne trouve pas d’autre mot pour décrire ça) toujours en comptant les coups de rame et en me disant que je devais rêver. Alors que le sommet de la vague approchait, j’ai vu soudain de l’écume apparaître tout en haut. Au lieu de donner les trois ou quatre coups de rame désespérés qui m’auraient (peut-être ) fait percer à travers la lèvre, j’ai eu un mauvais réflexe : je me suis retourné, broyant les rails de la planche avec mes doigts pour la garder au dessus de moi dans un espoir de protection complètement vain. Comme dans un film, au ralenti, je me suis senti redescendre en marche arrière, d’abord dans l’eau, puis dans le vide. Je me souviens avoir pensé en même temps deux choses contradictoires : « Si je lâche la planche, je ne rentrerai jamais à la nage dans cet enfer… » et : « Si je ne lâche pas la planche, je suis mort… »

Pour autant que je me souvienne, il me semble que j’ai attendu de percuter l’eau pour lâcher la planche. Et, immédiatement après, j’ai entendu le tonnerre qui me descendait dessus. A partir de là, ce qui s’est passé est indescriptible. L’impression d’être une mouche dans une machine à laver… Le souvenir de m’être roulé en boule par peur de me faire arracher les bras ou les jambes tellement ça tirait dans tous les sens, les poumons qui brûlent, l’obsession de remonter pour respirer une dernière fois… J’ai fini par crever la surface et il devait y avoir un mètre de mousse au dessus de ma tête mais j’ai pu respirer un tout petit peu juste avant de voir la lumière s’obscurcir, d’entendre à nouveau le tonnerre et d’être renvoyé au fond. Je me souviens que mes fesses ont violemment touché quelque chose dont la texture, malgré la combi, m’a semblé être un rocher couvert de mousse ou d’algues et j’ai pensé que ce n’était pas possible, en étant aussi loin du bord, à marée haute, de toucher le fond à Guéthary.

Et, d’un seul coup, le calme, l’abandon… L’incroyable impression de ne plus avoir peur et d’être bien. Mais bien comme jamais auparavant. Subitement, le fait de ne plus respirer ne fait plus mal, au contraire, ça paraît naturel. Et tu flottes dans une grande blancheur très lumineuse qui a la forme d’un grand tunnel. Mais les tunnels, d’habitude, sont sombres et celui-là est reposant de clarté. Et le souvenir qui m’en reste, encore aujourd’hui, c’est : c’est ça, la mort ? Eh ben ça fait même pas peur. Et, oui, c’est vrai, j’ai vu défiler les moments marquants de mon existence, plusieurs années en l’espace d’une seconde. Ou d’une fraction de seconde. Trop fort.

Et je me suis retrouvé à la surface dans un mélange d’air et d’eau, en train de cracher mes poumons. Le retour à la réalité a été plutôt brutal : juste à côté de moi il y avait ma planche jaune et, vingt mètres devant, il y avait un mur d’écume qui nous arrivait dessus. Je ne sais pas comment, j’ai attrapé le nose à deux mains, je l’ai mis en direction de la côte, j’ai respiré très fort et j’ai attendu l’impact. Pas besoin de ramer…

J’ai d’abord été aspiré sous l’écume, secoué dans tous les sens avec une obsession : ne pas « planter ». Et d’un coup, j’ai été catapulté plusieurs mètres devant la vague, la planche rebondissant sur le clapot comme un caillou plat avec lequel on fait des ricochets. Puis à nouveau « avalé » sous l’écume. Puis recraché. Et ainsi de suite. Et au bout du compte, je me suis retrouvé à une trentaine de mètres du bord, là où les vagues meurent. Incrédule. Un peu plus loin sur ma gauche, il y avait la planche de Daniel. Je l’ai récupérée, le leash était cassé et le nose ouvert comme une vieille godasse. Elle aussi avait dû toucher quelque chose au fond… Je me suis dit que si Daniel n’était pas encore mort, il allait sûrement se noyer là-dedans et qu’il fallait absolument que je prévienne les secours.

J’ai négocié le shore-break avec les deux planches (shore-break ? Quel shore-break ? Après ce que je venais de voir, mon échelle de valeur était un peu déglinguée…) J’ai grimpé le plus haut possible sur la plage avec mes jambes flageolantes et j’ai scruté la marmite bouillonnante dont je venais de sortir. Le soleil bas sur l’horizon se reflétait en milliers de miroirs sur le clapot, voir une tête à la surface était impossible. J’ai commencé à remonter la falaise avec l’obsession de trouver un téléphone. Et c’est à ce moment-là que j’ai vu Daniel qui arrivait depuis le port, à pied, sur la promenade. Et aussi Johan.

Johan était le barjot de notre groupe, celui qui refusait de mettre sa planche à l’eau si ça ne faisait pas trois mètres minimum. A l’époque, c’est lui, et de loin, que j’avais vu surfer les plus grosses vagues à Guéthary. Et Johan nous dit :
« Vous êtes allés là-dedans ? » et, secouant la tête d’un air de profonde commisération : « Vous êtes vraiment malades, les mecs… »

Daniel me raconta qu’il avait pris la toute première vague de la série de plein fouet et que le leash avait immédiatement cassé. Il s’était donc retrouvé tout seul à nager au milieu de cet enfer. A l’époque, il préparait le concours d’entrée au CREPS, sa condition physique et son entraînement en natation ont fait qu’il a réussi à revenir, traverser le courant et finir dans le port, fatigué mais vivant. Je sais pertinemment que si mon leash avait cassé, moi je ne serais sûrement pas rentré. Quand on sait ce qu’étaient les leashes, à l’époque (un sandow à bâches fixé à un trou dans l’aileron), on se dit que la vie ne tient pas à grand-chose…

« Alors ? » allez-vous me demander, « Quelle taille ça faisait ? » On en a reparlé tous les deux de nombreuses fois, et on pense toujours la même chose : vraisemblablement, aux alentours de six mètres. Il y a eu des gens pour me dire que c’était exagéré, qu’on avait enjolivé l’histoire au fil du temps, etc… Mais je maintiens. Je sais ce que j’ai vu m’arriver dessus. Je me souviens, comme je l’ai dit, d’avoir compté mes coups de rame tellement ça me semblait irréel. Nous avions tous les deux déjà surfé du gros Guéthary, plusieurs fois, ce n’était donc pas une première. Nous étions déjà passé dans la « machine à laver », nous avions déjà vu débouler des séries décalées du fond de l’horizon, nous avions déjà connu la montée d’adrénaline quand on rame comme un dément pour sauver sa peau, mais là, on était passé carrément dans une autre dimension. Quand je regarde ma maison qui mesure 7,50 M au faîtage, que je me mets au ras du sol pour être dans les mêmes conditions, et que j’imagine la maison qui m’arrive dessus, eh bien non, six mètres ne me semblent pas exagérés… Ca, et le fait que Johan nous ait traités de dingues…

Moralité : quand on ne le sent pas, il ne faut pas insister, même si on a peur de perdre la face. Il vaut mieux perdre la face que la vie.

Il y a un gars sur Swaylock’s dont la signature est : « Life is pleasant. Death is peaceful. It’s the transition that is troublesome… » (La vie est agréable. La mort est reposante. C’est la transition qui pose problème…) Je suis assez d’accord, depuis ce jour-là…

G. R.

Ajouté: August 5th 2005
Auteur: Lob
Score:
Hits: 4291

  

[ Retour à l'index des comptes rendus | Poster un commentaire ]


MAJ+Clic = Nlle fenêtre
 
Serveur V2
Déclaration CNIL: 1088896