En ces temps de flatitude, il est bon de se remémorer les bonnes sessions de cet hivers. C'était le 17 mars.
L'orage m'avait reveillé vers 4 H du matin et je n'avais pu me rendormir immédiatement. Cette pluie était le dernier signe que j'attendais, annonciateur de l'arrivée de la houle.
Debout à 6H30, j'ingurgite un petit déj. léger, enfourne ma planche dans la voiture et direction le Cap. Sur la petite route trempée bordée de pins, je guette les signes, mes repères familiers pour l'orientation du swell. J'envoi consciencieusement U2 pour me mettre dans le rythme. Sunday bloody Sunday ...
Bientôt la côte se dessine et la pointe à gauche blanchie sous l'écume. C'est SO. C'est de bonne augure. Le spot n'est pas visible du parking et je me gare à l'arrache. C'est en coupant le moteur qu'après 2 secondes de silence j'entends la lame se fracasser contre la digue et la falaise. Le rythme s'accélère !
Sur la digue l'observation est idéale. Les lignes régulières génèrent LA fameuse droite . Le déferlement est magnifique au cap comme au bowl. Le pic est à plus de 300 m. 3 personnes à l'eau, c'est dimanche et la plupart on fait la fête hier soir. Pour moi la fête, c'est maintenant !
J'enfile ma combi et je suis rejoins par mon ami Red qui, au lieu de se préparer, hallucine un moment sur la qualité des séries. Je me jette de la digue et rame jusqu'au pic, un bon échauffement.
Quelques secondes d'observation : ça monte. Soudain ça décalle et c'est la série surprise; L'un d'entre nous a sifflé - comme c'est l'habitude ici dans ces cas là - et il faut ramer, et vite ! Mon ami Red arrive trop tard. Je suis passé juste et j'ai vu la crête blanchir derrière moi. C'est l'ascenseur, Red est au fond ... et il "mange"!. Je suis bien placé et entame une rame franche. Elle va creuser, ne pas mettre trop de poids sur l'avant ... puis c'est la sensation de "surplace" ...elle me retient un instant. Penché en avant, c'est la descente, j'accélère dans mon bottom. Le rail mord et je lève les yeux : l'épaule est face à moi. Je glisse sans effort sur un concave translucide parfait. Un roller me remet en ligne et la vague accélère, c'est un reef et ça suce de plus en plus à l'approche du haut fond, En position agroupie, la lèvre "postillionne" devant moi .
La "casquette" prend des airs de tube. La monté d'adrénaline est phénoménale, "joie indicible". Je dois maintenant sortir de la vague pour éviter d'aller voir les oursins de près mais la charge émotive est si intense que je retarde le kick out. Elle ferme ! la lèvre s'abat à grand fracas ... A moi l'oursinade et les posidonies.
La vague finie par abandonner ma planche qui me tracte encore quelques secondes et j'émerge. Mon taux d'endorphines est à son maximum, j'exulte !
En remontant j'aperçois Red. Il shoote et son visage rayonne. Complicité de sensations.
Ce jour là, la houle ne faiblira pas. Pendant des heures, nous serons 15 au maximum à nous partager "mes vagues" car c'est mon anniversaire et la nature à ce don de gratifier de cadeaux inestimables ceux qui vivent à son tempo et qui la respecte. Ad augustà per angustà (Victor Hugo)
