Bras croisés, mes genoux enserrent les rails au passage du set. De l’épaule j’observe B’J qui démarre sur la plus fat. Sa tête est auréolée d’écume, couronne liquide. Il ira jusqu’à la plage, me saluant d’un bras à chaque manœuvre.
En moins d’une heure, la taille a doublé. Le line-up est réhaussé en distance mais aussi en niveau. Certains avide d’adrénaline jubilent, d’autres ne prennent plus de vagues.D’abord la crainte puis la résignation : bouffer jusqu'à que la mer les dégueule sur la plage.
Quelquefois, sur les plus grosses séries, une droite part à 30 ou 40 m. du peak établi, essorant tout le line-up à son passage.C’est celle-là qu’il faut chopper.
Plein la gueule à ramer contre vent et clapot pour me maintenir dans la zone favorable. Il pleut en raffale, j’espère un dévent et une section qui n’explose pas .
L’horizon mèle ciel, mer et semble s’écouler comme un fleuve en cru, torrentiel !
Les bouées, qui balisent la zone des 300 m, font comme des bouchons de canne à pêche et disparaissent parfois longtemps … il semble qu’un terrible prédateur ait pité puis happé voracement le corps mort qui sert d’ancrage.C’est sur la pité du grand blanc que je m’apprête à ramer.
-Putain ! Un straou de folie (prononcer folaille, c’est pour le style) comme dira un pote plus tard.
Ça fuse au démarrage et ça saucissonne au bottom ; la vague ouvre, nette et ouvre encore !
Le vent cesse. C’est le pilotage automatique qui prend soudain le relais. J’ai hyper conscience de ma glisse mais cela va tellement vite que j’ai la sensation de ne rien contrôler. Le surf c’est comme le sexe : quelque chose qui nous échappe tout autant qu’il nous appartient.
Pourtant, à l’heure où j’écris, les image mémorisées ont la qualité du numérique. J’ai intégré chaque particule qui composait le mouvement.
Consummé d’adrénaline, je finis dans le shorebreak. J’y stagne, j’y hurle, exquise extase …
J’ai pris une bombe, je n’arrive pas à m’en remettre et ça fait : « mururoa-dans-ma-tête-à-moi ».
Butch
