Cross on, le maître des vents hurle sa fureur glaciale vaporisant la crête des lames sur fond de couchant. La fin d’après-midi est souvent propice à un changement d’orientation mais la promesse d’off se fait attendre et dans 1 heure il fera nuit. C’est à prendre ou à jamais !
La froideur me brûle d’abord les mains puis s’insinue vicieusement dans la combi. Je rame à mac 3 pour passer la série et prend la dernière dans la gueule …
Roué dans l’écume, mon crane est torturé par un étau dont on serrerait la vis sans fin…
Au-delà du line-up, échappé de l’espace, déployant ses ailes immenses, le Dragon descend du ciel.
Il me faut ramer sans cesse, en lutte constante contre le mistral et les prémices de l’hypothermie. Nous sommes 3 à partager ce sunset dans une intensité quasi religieuse.
Les autres ont renoncé.
Le Dragon épand sa flamme et se retourne vers nous .
Je shoote une grosse droite, perd ma lucidité et diffuse suffisement d’adrénaline dans mon corps pour oublier l’onglet qui déchiquête mes doigts. Sitôt au pic, je démarre backside , grabant un rail froid comme une lame.
Ecumant de rage, le Dragon enflamme le line-up.
Happé par une gauche, mon compagnon de session disparaît dans un spray d’eau blanche.
Au-delà des îles, le Dragon s’effondre, terassé dans un horizon de napalm, livrant le monde à l’obscurité totale. Une méchante droite fonce sur moi, je lui échappe en la surfant.
Epilogue
Sorti de l’eau, j’ai cru m’amputer des 2 pieds en retirant mes chaussons. 15 jours plus tard, j’ai discuter de cette session avec l’un des 2 gars présents. Il est toujours sidérant de constater à quel point le ressenti est le même, … je pense que lui aussi a vu le Dragon. La réalité est telle qu'on l'imagine.
