J'avais écrit ce qui suit en revenant d'un trip en Indonésie l'été dernier, voilà pourquoi il n'est pas question ici du tsunami.

Avant propos : A l’attention des surfeurs voyageurs qui s’apprêtent à lire ce qui suit. J’ai écrit ce texte afin de partager mon expérience en Indonésie et non pas pour faire de la pub aux spots sur lesquels je me suis rendu. Il ne s’agit pas de « secret spots », car on peut les trouver en suivant les indications données dans n’importe quel bon guide de surf sur l’Indonésie, je les qualifierais plus de « discret spots ». En effet, ils sont généralement assez difficiles d’accès ce qui fait qu’on y trouve généralement peu de monde et que l’ambiance y est bonne. Voilà pourquoi, afin de préserver ces petits îlots de tranquillité, je me suis refusé à donner les noms des spots et les moyens de les atteindre. Je le fais non seulement pour pouvoir y retourner la prochaine fois et les trouver dans d’aussi bonnes conditions mais surtout par respect pour ceux qui me les ont indiqués et notamment pour ce cher Yann sans qui ce trip n’aurait vraiment pas eu le même goût…

Si vous reconnaissez des spots où vous êtes allés ou dont vous avez entendu parler, je vous prie de bien vouloir faire preuve de la même réserve et de ne pas donner de nom ni d’indication dans vos commentaires. Je serai par contre ravi de discuter avec vous de vos expériences sur ces spots par mail.


Fuite :

Plus que jamais, ce départ ressemble à une fuite. J’ai ce mois d’Indonésie en ligne de mire mais pour y arriver j’ai eu quelques obstacles sur ma route. Le boulot à boucler rapidos, le déménagement de l’appartement de Bordeaux et surtout le nettoyage de cet appart où s’est accumulé une tonne de crasse pendant 3 ans (merci la cuisine sans aération…). J’enferme tout ça à double tour en partant, je colle quelques merdasses dans le camion et je tourne la clef dans le contact. VROUM ! Good bye Bordeaux ! Tout content de quitter cette ville pour d'autres aventures. Une dernière mission à effectuer avant de m’envoler pour l’Indo, aller faire la fête à Matthieu et Mareile qui se marient demain. Il est 21h, le soleil se couche dans mon dos au passage de Libourne. Dans le retro, deux ronds oranges se disputent mes faveurs. L'original et son reflet sur la peinture blanche et crade du camion. Je ne m'en rendrai compte que quelques jours plus tard mais c'est là qu'à commencé mon parallèle avec le livre de Jack Kerouac "Sur la route". La route n'est en fait qu'un long enchaînement de villages et ça n'avance pas. C'est ça de pas vouloir prendre l'autoroute... J'ai choppé le trajet sur internet, j'ai demande le meilleur chemin en évitant les péages. Mappy m'a sorti le détail mais je n'ai pas vraiment regardé ou j'allais précisément. Je sais que je dois passer par Périgueux, Brive et Rodez mais après c'est l'inconnu. Je sais que c'est paumé dans les Cévennes mais c'est tout. Ca roule, ça roule. Il fait chaud et lourd. Il faut que je trouve un coin ou me poser pour la nuit. Je passe en mode "search-on" et je finis par dégotter un coin dans un champ à côté d'un cimetière. L'orage éclate au dehors en plein milieu de la nuit. Je n'ai plus envie de dormir et j'ai trop chaud. Il est 3h du matin. Je reprends la route et je roule une heure. Je passe Brive et je me rendors dans un champ. L'appel du volant se fait sentir vers 8h et je taille ma route au travers du massif central. Au détours d'un village, je choppe du pain de fou dans une boulangerie et un peu plus loin des tomates et des brugnons bien murs. Les vendeuses sont sympas, elles souffrent déjà de la chaleur mais ça doit être ces jours la que les clients ont le plus envie de fruits. La route défile et les paysages changent, les vertes collines laissent la place aux causses. Ces hauts plateaux arides typiques de l'Aveyron. J'achète un saucisson à Sévérac-le-château avant de plonger dans les gorges du Tarn. Ce sillon dans les plateaux est vraiment attirant, surtout avec cette chaleur. Il y a finalement peu d'accès gratuits a l'eau et c'est bien dommage, après une descente vertigineuse je suis lance et je passe mon tour de baignade pour remonter de l'autre cote vers le mont Aigoual, sommet des Cévennes. La route devient vraiment agitée et heureusement qu'il n'y a personne car c'est très étroit. Je passe une succession de collines sans fin et ma vitesse n'excède jamais 50km/h ! Je m'offre un break a une fontaine d'un petit village. Les habitants sont a l'ombres et hallucinent un peu quand ils me voient débarquer pieds nus dans la rue et plonger ma tête dans la fontaine. Ce décalage est un avant goût de l'indo. J'adore. Le timing va être juste, la cérémonie est a 16h30 et a 16h je ne suis toujours pas arrive a St Jean du Gard (15mn de l'église).

Mariage :

Le mariage est tout simplement le meilleur auquel j’ai pu participer. International à souhait avec déjà une famille française et l’autre allemande et aussi des amis qui venait aussi bien de New York que de Hong Kong. Le lieu est lui aussi on ne peut plus agréable avec un jardin qui devient peu à peu forêt à mesure qu’on s’approche des petits torrents. Après un dîner très informel la nuit se termine en une sorte de petite « free party » dans les bois. Réveillé par le mal de crane et les mouches, je tente une vérité : « c’est l’été ». Et oui, il a fait chaud toute la nuit et il fait encore chaud. Ce samedi est a l’heure allemande. Les 2 familles se sont habillées en habits traditionnels bavarois et l’oncle de Mareile qui travaille dans une brasserie a amené 2 tonneaux de 30L de bière ! Matthieu se charge de l’ouverture : il faut enfoncer un robinet en fonte avec un maillet et gueuler « Offlursvok !! » (c’est ouvert). Deuxième opération séduction germanique : 200 saucisses traditionnelles amenées d’Allemagne sont grillées sur des barbecues. Alors que l’assistance fait la queue sous le cagnard, Dominique, le père de Matthieu, me glisse : « Ils sont forts ces allemands. Ils arrivent a faire faire la queue a des gens sous le soleil pendant des heures et tout ça pour des saucisses ! » Je profite de la fin des saucisses pour m’éclipser. J’ai de la route a faire. Au moment ou je pars j’entends : « nous allons maintenant vous présenter une pièce de théâtre… » show must go on, moi j’ai un avion à prendre. Je refais le plein d’eau à St Jean du Gard et je gravis la route qui mène à la corniche des Cévennes. Cette fois, je prends l’autoroute, en plus elle est gratuite jusqu'à Clermont Ferrand. Mais pour y arriver c’est pas tout plat, ni tout droit, c’est même de la belle route verte. Une fois a l’autoroute, je décide de dormir 1/2h sur une aire histoire de récupérer. Il est 19h. Je me réveille sur le coup de 5h du mat ! Je parviens quand même jusqu’à Paris et le lendemain Couette m’amène à l’avion.

Paris Charles de Gaule - Jakarta via Riad :


A l’enregistrement, je tombe sur 4 gars arrivés du pays basque encore plus tôt que moi avec des planches de surf. C’est détente, l’avion sera quasi vide, du moins jusqu'à Riad. Dans l’avion il y a un super film d’action avec Ben Affleck dans lequel on a coupé des scènes trop « chaudes » et on a disposé des mosaïques sur les épaules dénudées des femmes. Les hôtesses ont une toque avec une sorte de voile sur le coté, sur les écrans de télévision on peut connaître en permanence la direction de la Mecque et à l’arrière de l’appareil une salle de prière est aménagée. On est bien sur la Saoudi Arabian Airlines. En attendant le repas, on nous sert une énorme date croquante et un mini-verre en porcelaine avec dedans un mélange de thé et de jus de chaussette. Arrivés a Riad, on débarque dans un énorme complexe de luxe avec jets d’eau, marbre…

A la fouille, les hommes et les femmes sont séparés, ça commence bien ! Le hall d’embarquement nous accueille avec du thé et du café, une sorte de self dans lequel on tape allégrement. On a 4h d’escale et c’est pas facile à envisager. Il y a des vendeurs de confiseries mais c’est cher et pas terrible. On croise des fantômes dans les couloirs. Ce sont des femmes voilées en noir de la tête aux pieds. Rien ne dépasse pas même les pieds. On pourrait croire qu’elles vont se manger un mur mais en fait elles voient bien. Autant je peux comprendre le voile islamique, autant là je me dis qu’enfermer ces femmes ne changerait pas grand chose. Exister c’est aussi vivre au travers de l’image qu’on nous renvoie. On commence a errer dans l’aéroport. Les autres sont intenables, tout juste s’ils ne vont pas photographier les fantômes. On va se caller dans un coin. Nicolas, Luc, Seb et Rémy sont bien marrant avec leur espèce d’insouciance décalée. Rémy qui a le plus voyagé (en Indo) a traversé Sumbawa mais ça ne l’empêche pas de commettre des erreurs de débutant. Il arrive a un moment avec une petite bouteille d’Evian. Il s’apprête a en boire alors que je lui demande d’où il la tient. « Je viens de la remplir aux toilettes ». Je lui déconseille de la boire et il me fait « Tu crois ? Dans les aéroports ça va non ? » Ils vont passer un mois comique… Je passe devant le panneau d’affichage des départs sur lequel de temps en temps défilent des messages. « Drug smuggling is strictly forbidden and is punished of death penalty ». Juste avant un d’eux venait de dire qu’on pouvait même rouler un joint sans que personne ne voit la différence ici… Il y a une salle d’attente a cote de notre porte d’embarquement quasi exclusivement remplie de femmes et la plupart semble assez typées indo. Serait-ce pour notre vol ? Je vais dormir sur la moquette là où il n’y a pas grand monde. 45mn de sieste, ça vous remet droit. A l’embarquement, miracle on se retrouve qu’avec des femmes ! Sur le moment on comprend pas trop ce qu’elles font toutes la. Yann m’expliquera plus tard qu’elles vont bosser en Arabie Saoudite parce que c’est mieux paye… Je prends du retard sur les autres à la douane pour prendre mon visa et je me retrouve dernier de la fameuse queue de l’immigration. Pas pour longtemps. Alors que les basques commencent a se foutre de ma gueule, le grand Yann débarque en costard et vient me faire la bise. Tout en parlant, il me fait passer par un petit bureau et en 2 secondes nous voilà dehors. Bye bye les bax !!


Jakarta :


On passe chez Yann boire une bintang et déposer mes affaires et après on va dans une agence de voyage. Je ne sais pas comment on y arrive vivants car on se ballade sur la mob du yann et il a franchement assimilé la conduite indo. On est sans casque, la plupart du temps a contresens pour éviter les embouteillages et dans un rythme du type playstation… Une fois a l’agence Yann prend des billets d’avion pour bali (ils y vont avec Rahan le week end prochain) et moi je réserve un départ pour makra le lendemain. Jakarta pour le peu que j’en ai vu est une ville folle. A côté de gros immeubles d’affaire, tu peux tomber dans une petite rue avec des poules comme en pleine campagne. Je n’ai pas pris le temps de visiter mais comme Lima, au bout de quelques minutes on a les yeux qui piquent. Yann habite une super baraque qu’il partage avec 2 colloques français et Rahan. Une famille indo habite aussi là, ils font le ménage, les courses et la bouffe. Ca fait bizarre mais Yann s’en accommode très bien. Je monte prendre une douche bien méritée et je me colle une session de yoga pour me remettre du voyage. Rahan débarque et on va se boire des bintangs à poil dans la piscine.

Ca se détend bien et on discute jusqu'à ce que Yann arrive. La soirée commence donc à poil dans la piscine avant qu’on ne dégaine les whisky coke.

Les colloques débarquent et ça joue de la gratte tranquillement.

On passe ensuite à table pour engloutir les lasagnes préparées par la Ibu. En indonésien, Mme et Maman se disent pareil, Ibu, tout comme Monsieur et Papa, B’pa. Après les lasagnes, j’ai ce qu’on appelle communément le trou de mémoire de la cuite. Je me souviens juste d’un moment où on était dans une boite avec Yann et Rahan en train de danser dans tous les sens. Apres, re-trou noir. C’est marrant mais c’est le sujet du film que j’avais vu dans l’avion avec Ben Affleck… Reveil dans le pieu de Rahan par Mathilda (la colloque de Yann) : « Bobo il est 8h passé ! »


Merde mon car ! Il faut que je sois au Terminal à 9h (départ a 10h) et avec la circulation ça va être coton. Je fais mon sac en vitesse (je jette tout dans ma housse de surf). Lutte pour trouver un taksi. Re-lutte dans les embouteillages avec une seule cassette qui passe en boucle (une chanson par face). Arrivé à 9h35. Je choppe mon billet (23euros) et le bus m’emmène au terminal où on doit changer de car. Apres quelques minutes d’attente en tête a tête avec ma gueule de bois et des indos qui semble faire exprès de parler une langue que je ne comprends pas, je vois débarquer un solide gaillard de type australien, suant comme un porc et parlant fort et vite en anglais. Il a l’air à la bourre et pas franchement sympathique. Il pose ses planches et son sac dans un coin et va s’enfiler de la bouffe au padang food d’à côté avec une assurance qui confine a l’inconscience. Quand je me risque dans ce genre d’endroit j’ai l’impression de manger de la dentelle hyper fine du bout des doigts tellement l’aspect est bizarre. Lui se jette dessus comme si c’était un vulgaire steak frites. Il s’enfile aussi la choppe d’eau qu’on lui apporte. Je lui demande où il va, apparemment on va au même endroit. Il sort son i-pod et envoie le gros son dans le bus. On l’entend bien fort. Le car trace plein nord sur l’autoroute.


Le car infernal :


Sur le ferry on discute pas mal avec l’autre surfer, il s’appelle John et il se révèle très sympa. Il vient de Nouvelle-Zélande et il est à peu près autant a la rue que moi. Il s’est tapé de la grosse chouille la veille avec des potes de Jakarta et en plus il a eu pas mal d’emmerdes avant de partir. Il a beaucoup picole et trimballe 12kg de trop. Lui aussi est arrive hier et il compte récupérer dans le bus et a Makra car dans quelques jours des potes a lui débarquent. On se dit que maintenant on a plus a se préoccuper de notre trajet, des problèmes qui peuvent survenir, prochain arrêt Makra et son paradis sur terre. Pendant que le bateau est encore à quai, des gosses du village montent a bord et nous alpaguent « Mister, mista ! Jump one thousand ! » Ils veulent 1000 rp (10cents) pour sauter du bateau. Des vendeurs en tout genre nous sautent aussi dessus pour nous vendre à manger ou à boire. Complètement crevé, les gosses m’agacent pas mal mais je décide de jouer avec eux et je commence a danser sur la chanson que j’appelle « jumping 1 thousand ». On déconne un peu puis je m’éclipse. Le bateau est une vraie poubelle flottante, heureusement la mer est aussi plate que la Garonne avec encore plus de courants.

Oh, des poissons volants ! et plus loin un sea snake. C’est vraiment la dernière chose que j’avais envie de voir me glisse John. La distance à parcourir n’est pas grande mais le bateau est tellement lent que c’est long. Du coup on discute avec le kiwi, le salaud surfe depuis plus de 15 ans et il a bien bourlingue. Son pays préféré est le Maroc même si ça fait longtemps qu’il n’y a pas été. Il a fait toute l’Amérique centrale jusqu’au nord du Pérou par les spots (sauf la Colombie œuf corse). Il va souvent a Tahiti et adore les vagues d’Hossegor… On est repartis sur la route. La nuit est tombée et la route indonésienne révèle ses dangers, obstacles sur la route, animaux en train de manger une charogne et voitures/camions qui conduisent n’importe comment.


La nuit a été longue. C’est vrai qu’ici elle dure 12 h ! On s’est arrêté dîner dans un padang food. C’est carrément meilleur qu’a Bali. Ils t’apportent tous les plats sur la table et à la fin ils comptent ce que t’as mangé. Le foie de bœuf est particulièrement bon. C’est servi avec du thé assez fade. Une fois dans le bus, j’alterne entre sommeil et lecture d’un San Antonio des familles. La fin de nuit se passe dans la montagne, la route est souvent raide et défoncée. On avance doucement. Le jour se lève et la jungle parle, j’avais oublie ces différents niveaux de végétation, ces arbres démesurés. Enfin la mer. A une embouchure de rivière on s’arrête faire un brin de mécanique. John va goutter l’eau, elle est bouillante. Je discute avec un gosse du car. Selon lui il reste au moins 6h alors que d’après ce qu’on nous avait dit on devrait être presque arrivés ! On a du faire un sacre détour dans la montagne. On traverse des villages avec pleins de gosses sur le bord des routes qui vont a l’école. Cette scène me rappelle vachement le Maroc cet hiver. Les plages de sable blanc se succède les unes aux autres, tout comme les villages, les ponts au dessus des rivières et les récifs sur lesquels les vagues viennent se briser de manière désordonnée. Tiens en voilà une qui déroule. Les animaux courent au milieu de la route, les vaches grises qui ressemblent a des buffles, des chèvres… Sur la route, une fois de plus le roman de Kerouac me poursuit sans que je ne le sache. Et hop la première crevaison. Etonnant qu’on en ait pas eu plus tôt vu les routes qu’on emprunte. On met un nouveau pneu lisse (ça va plus vite) et comme on est au bord de l’eau on en profite pour goûter l’eau. Une femme insiste pour qu’on prenne une photo ensembles.

Elle m’offre a manger, on se détend, l’eau est chaude et poisseuse. Un peu plus loin on se colle un coup de padang food.

Sur le coup de 10h du mat, quoi de plus naturel ? Cette fois on est vraiment dedans, ça fait 24h qu’on a pas croise d’occidentaux, d’ailleurs John est le seul que j’ai vu depuis Jakarta. La route s’est améliorée mais c’est très dur de se reposer dans ce bus. Des odeurs passent, un peu épicées puis genre baume du tigre (contre le mal de bus), puis mentholée, pour finir sur l’odeur des clopes aux clous de girofle. Cette route est sans fin. Les « gringo lindos » du perou sont remplaces par les « Mista ». Le deuxième chauffeur s’envoie une rasade d’un liquide qui ressemble à de la sauce soja et nos voisins ont de très élégantes petites serviettes éponge pour s’essuyer le front. Il vient de mettre sa k7 de variété indo a 2 chansons, interrompue tous les virages par le klaxon et un sifflement qui vient de je ne sais ou. A force, c’est vrai qu’il commence a être long ce voyage. On se voyait bien arriver ce matin et là il est 13h passé. Plus de 25h de voyage ! « I don’t remember my life before getting on this bus » John. Merde on arrive au Terminus et ça ressemble pas du tout à un village de pécheurs. Apres 1h de palabre on doit se rendre à l’évidence : on est pas au bon endroit ! Mais on est ou alors ??


Nous sommes au terminus du bus. Bon question suivante : C’est loin de Makra ?? Dur d’obtenir une réponse quand personne parle anglais. Au bout de 10 mn on nous dit que c’est à environ 100km. On va parlementer avec la compagnie du bus. John est franchement remonté et s’égosille en anglais pour dire que c’est de la faute de la compagnie et qu’elle doit nous payer un taxi pour aller a Makra. On ne sait pas trop comment on s’est retrouvé là mais nos tickets de bus prouvent qu’on devait aller a Makra. Peut être qu’on ne nous a pas mis dans le bon bus. Les gars appellent des gens au téléphone et au bout d’une heure on nous met dans un bus pour un autre terminal de bus pour aller parlementer. A notre arrivée on recommence notre cirque pour qu’on nous amène à Makra. Au bout de 10mn on nous présente une fille très gentille qui a comme énorme qualité de parler un peu anglais. On comprend que nous sommes loin de Makra et qu’aucun taxi ne voudra nous emmener et que de toute façon c’est trop cher. Mais on est où bordel !! On jette un œil a la carte sur le mur et effectivement on est bien loin. A partir de là s’ensuit une longue discussion d’environ 2h au cours de laquelle la nana nous proposera plusieurs possibilités : 1) prendre le bus le lendemain (gratuit mais ça nous fait perdre encore une journée). 2) louer une bagnole mais c’est très cher. D’autres solutions plus ou moins farfelues et enfin apparaît la solution du camion. Un camion part ce soir pour Jakarta et passe par Makra, il devrait arriver a 8h le lendemain a Makra. 12 h de route on est vraiment loin de notre destination ! Apparemment on dormait quand on est passe a makra et le chauffeur a gueulé Makra makra et ne s’est pas arrêté car personne ne lui a répondu… On nous conduit au dépôt de bus où se trouve le camion. Ca va être rock and roll car c’est un convois exceptionnel qui transport une énorme pelleteuse !!

Tu m’étonnes que le trajet soit si long. On patiente quelques heures le temps qu’ils préparent leur engin. Nous avons terminé notre journée par une expédition dîner autour du dépôt de bus. A l’arrière des mobs des mécanos du dépôt on fait quelques km jusqu’à un padang food. Comme d’habitude on fait sensation, surtout quand John commence a boire l’eau destinée au lavage de main ! Je me suis bien habitue à cette bouffe super épicée et le fait d’avoir tout le menu sur la table est vraiment génial. John s’était tape une expédition pour trouver des bières et n’avait trouve que des bières chaudes. Normal personne ne boit, tout le monde est musulman ici. Même sketch au resto et tout le monde nous regarde de travers quand on demande. On constitue vraiment l’attraction du resto, tout le monde regarde comment on mange ! Evidemment notre escorte qui nous amené là s’est barré juste après et on rentre au dépôt à pied sur le bord de la route alors qu’il fait nuit noire. Je n’ai pas pris mon pull et c’est déjà l’heure de sortie pour la malaria : malaria time !


Le salaire de la peur :


A notre retour, les gars sont quasiment prêts a partir, on charge les planches a cote du tractopelle à chenille, elles font quasiment partie du truc tellement elles sont attachées. On jette un œil dans la cabine : il y a 2 places assises et un lit, on pourra se relayer pour dormir. Petite surprise quand on s’installe dans la cabine, finalement un gars rentre en plus dans la cabine, ça doit être l’autre chauffeur. Evidemment un autre gars se pointe et encore un autre et un gosse pour finir. La nuit va être longue. On se retrouve à 7 dans ce camion entassés comme des sardines. Heureusement, au bout d’un moment (quelques heures) le gosse descend et John en profite pour trouver une position contorsionnée pour dormir et il y arrive ! Je regarde la route, depuis que nous sommes partis, les petites maisons bordant la route on progressivement laisse la place à la jungle. La route est bonne et on est pas trop secoués. Je suis quand même bien serré et j’essaie de trouver une meilleure position sans déranger les autres. Je suis replié sur moi même, collé contre la vitre arrière de la cabine. Il fait chaud. Trop chaud. J’ai déjà enlevé le pull depuis longtemps mais je transpire toujours comme un cochon. Je réussi à dégager une jambe, puis l’autre. Le gars assis devant moi s’est un peu avance. Finalement, j’essaie de me mettre sur le dos avec les jambes repliées sur moi. C’est pas mal mais au bout d’un moment j’étouffe, très peu d’air circule et on est assis sur le moteur qui laisse échapper des bouffées de chaleur.


Le camion s’arrête sur le bord de la route, là où une nana vend des fruits. Ce sont des durians, ça a la taille d’un melon d’eau, l’écorce est pleine de picos comme une sorte d’ananas et l’intérieur renferme des noyaux entoures d’une bouillie compacte malodorante. John dors toujours et je sors me dégourdir les jambes. On me propose les fruits et je me sens un peu oblige d’accepter même si je n’ai plus faim. J’en prends un peu, c’est de la bouillie avec des fibres, ça pue la vieille chaussette et je fais celui qui apprécie alors que c’est franchement dégueulasse. Le chauffeur se repose un peu et on repars. C’est marrant car tout le long du trajet ce sera le même chauffeur qui conduira, ils ne se relaient pas pour conduire.

En observant les gens avec qui je suis j’ai la révélation : ‘Sur la route’ ! Mais bien sur, depuis mon départ de Bordeaux c’est le thème du voyage. Depuis cette chasse au mariage dans les Cévennes jusqu'à cette errance dans la jungle, tout y passe : bus, camion perso et maintenant le monde de la route la nuit en Indo. Il y a des cohortes de camions, tous identiques qui se suivent. Chaque virage constitue un concert de klaxons tous plus viriles les uns que les autres. Les camions freinent en se croisant et se saluent s’ils se connaissent (ce qui arrive souvent). Les camions sont une race animale à part entière, habitant dans la jungle, qui a pour prédateur les trous et ornières de la route, les cochons et vaches qui se promènent et les autres camions qui auraient décidé de prendre leur virage un peu trop « inside ».

Un des gars monte pour le voyage dans le tractopelle et on est tout de suite plus a l’aise. Je dors un peu puis je me réveille en sueur, la route est mauvaise. La jungle est la, la route y fait son chemin comme un serpent puis la jungle et la nuit se referment derrière nous. Je vois l’embranchement pour Makra mais le camion continue tout droit puis s’arrête 100m plus loin. Il manœuvre et rentre dans un petit chemin. On va déposer la pelleteuse. Il est 1h du mat et nous sommes dans une sorte de champ un peu en chantier qui va sans doute servir pour des constructions. John dort toujours et je sors filer un coup de main pour décharger les planches. La jungle nous entoure et des bruits parviennent de ci de la. Ca n’a pas l’air de les ennuyer beaucoup. Le moteur du camion continue de tourner je ne sais pas pourquoi et on décharge l’engin ce qui fait beaucoup de gaz pour mes petits poumons. Le manque de sommeil, les routes défoncées, les virages et cette fumée me tournent la tête. Je vais faire un tour sur la route. Il y a plusieurs couche quand on regarde cette foret, les hautes herbes du premier plan, les buissons de 4-5 m de haut, les fleurs au sol ou sur les arbres qui montent à une dizaine de mètres et enfin la haute végétation de plusieurs dizaines de mètres qui monte jusqu’au ciel et qu’on ne distingue vraiment que lorsqu’on a une vue plongeante dans les montagnes. L’air est saturé d’humidité et ça n’arrange pas mes problèmes de respiration. La pelleteuse et deux gars sont descendus, nous ne sommes plus que 4 dans la cabine et c’est nettement plus confortable. On se dit maintenant que le gros insecte est descendu de notre dos on va pouvoir aller plus vite et c’est ce qui se passe jusqu'à 3h du mat quand nos amis s’arrêtent pour manger. C’est une sorte de relais routier en version rustique avec pas mal de monde qui dort à l’intérieur sur des sommiers en bambous. Dans une pièce, des gens commatent devant un film d’art martiaux dont la mise en scène ressemble plus a un porno de M6 qu’à un film de David Lynch. Le copilote m’invite a me laver les mains dans l’arrière cour. On passe a côté de petites pièces ouvertes où la vie est mise en veilleuse, un puit est au milieu du jardin mais on prend l’eau dans le mandi des toilettes. Pendant ce temps, le chauffeur a réveille la cuisinière et on se commande un petit mie goreng, même John qui s’est levé. On nous amène de l’eau bouillie (aire puti) qui sent encore la fumée. Des gens se lèvent et viennent dire bonjour par curiosité. Je dégaine mon assimile et par jeu on commence a discuter en 3 langues, John connaît quelques mots de français par ses voyages à Hossegor. Encore ce monde de la route qu’on côtoie encore d’un peu plus près. Le temps passe et on essaie de leur mettre la pression pour se remettre en route. En fait ils nous disent (nous font comprendre) qu’on va dormir là alors on squatte tranquillement les paillasses en bambou pour dormir. J’écrase comme une merde jusqu'à 8h. On prend un café super sucré et on repart. Il nous reste 4h ! La route est complètement défoncée et c’est hallucinant de passer par là avec un 30 tonnes comme le notre. Ici un camion dans le fossé.

On fait plus ample connaissance, on fait des photos au volant puis on discute surf trip avec John. Encore un arrêt pour bouffer. Il y a une super vue sur la côte avec sans doute des vagues parfaites sans personne mais carrément inaccessibles. On échange nos adresses avec les chauffeurs pour leur envoyer les photos.

Un peu plus loin, surprise le klaxon reste coincé. On se pose au bord de l’eau et 1h de mécanique plus tard c’est réparé. John est a bout de nerf. On arrive enfin a Makra à 16h en remerciant chaudement nos chauffeurs. On débarque au paradis avec 1j et demi de retard.

Makra : un tableau riche en couleur.


C’est marrant de voir les jours défiler. Les dates plutôt car les jours commencent à se ressembler. On rentres dans une sorte de rythme de vie où les choses qu’on fait ne changent pas trop d’un jour a l’autre. On peut voir ça comme un film qu’on projetterait chaque jour mais dans lequel des éléments sont changés. En fait, ce serait plutôt un tableau auquel on ajouterait des petites touches de peinture.

Notre arrivée à Makra s’assimile d’autant plus à une esquisse si on considère notre état de fatigue ahurissant caractérisant notre arrivée. Les traits sont légers et hasardeux comme notre regard sur ce qui se trouve dans notre champ visuel.


Esquisse :


Il y a deux losmens sur le spot, celui où Damien, Yann… sont allés, tenu par un américain et l’autre qui est plus un repère d’australiens.

Nous allons à ce dernier car John a ses potes qui doivent y débarquer et on ne voit pas de raison de se séparer.

C’est quasi plein mais la plupart (même le patron) se barrent le lendemain. On ne sera plus que 4. C’est un accueil à l’australienne très : “how are you mate !” L’accent part en couille et c’est complètement déstabilisant par rapport à ce qu’on vient de vivre. On est dans une sorte de réserve de surfeurs dans la jungle. Celui qui tient le losmen est un vieux surfer australien au bide imposant, il a sous ses ordres un bande d’indonésiennes pour l’intendance et d’indonésiens pour la “sécurité”. Il y a une bande de profs d’Université parmi les guests et c’est l’anniversaire de l’un d’entre eux, on nous dit le nom mais je n’y prête pas attention. Facile de se mélanger les pinceaux de tout façon, il n’y a que de l’australo mis à part un espagnol. On va se mettre a l’eau même si ce n’est pas extra. La vague est petite et casse donc près du reef et sectionne. A l’eau je rencontre Thomas et Brice, deux français de la montagne, l’un est préparateur physique et l’autre aux dreadlocks imposantes fait du ski extrême comme boulot. Le reef est magnifique et c’est un plaisir de plonger en attendant les vagues. La douche est a l’indonésienne, le mandi (casserole en plastoc) à côté des chiottes, l’eau vient du puits. Le confort est a l’indo aussi, rudimentaire avec juste le nécessaire. Le jardin est juste ce qu’il faut d’organisé avec juste ce qu’il faut de bordel pour qu’il reste un peu sauvage. Vu du line-up, la plage est paradisiaque, une longue ligne de sable blanc bordée de cocotiers, un petit lagon et deux losmens…

Le repas est fourni ce soir, on fête le départ des aussies alors c’est deux gros poissons (genre des thons) avec beaucoup de garniture.

C’est parti pour la tchatche, je parle un peu de la France, je pose des questions sur l’australie. Les gars viennent de partout Victoria (sud-est), Queensland (est), Goldcoast (nord-est) chez fred et Western-Australia (Perth) où un mec c’est récemment fait bouffe par un requin de 5m. Un des prof me demande de lui expliquer le problème du voile islamique en France, ce que je fais quand soudain les filles débarquent en lui écrasant un oeuf sur la tête et lui versant une bassine d’eau sur la gueule. C’était donc le gars qui fêtait son anniversaire aujourd’hui (48 ans), une fête a l’australienne quoi. Le patron a fait venir des gosses du village qui font des démonstrations de danse traditionnelle. On fait des matchs de foot entre les scènes avec les gosses mais je ne tiens pas toute la soirée tellement je suis crevé.

Voila donc l’esquisse du tableau de makra. Il va bientôt s’enrichir…


L’arrière plan de Makra :


Une fois l’esquisse posée, l’arrière plan s’impose. Les vagues. Et oui on en quand même venus pour surfer merde ! La vague principale déroule devant les losmens. Elle se compose de plusieurs sections qui connectent quand tout va bien.

Le matin est généralement glassy ce qui permet de se faire des bonnes sessions jusqu’a midi, après le vent se lève et c’est un peu moins joli. Il faut faire gaffe car suivant la marée cette tranche peut réserver des bonnes surprises car c’est l’heure de la sieste et il y a quasiment personne a l’eau.

Le monde a l’eau justement, c’est généralement largement supportable voire carrément jouissif a l’aube avec des vagues de 200m a se partager a 4.

Nombreuses sont celles qui nous filent alors entre les doigts faute de rider pour les prendre.

Il y a comme d’habitude en indo des grosses accalmies, j’ai amené les lunettes pour surfer histoire d’inspecter le reef et les poissons.

Un véritable aquarium, le reef ressemble a s’y méprendre a nos vallées alpines avec des sillons qui vont en se resserrant, on y pense quand on se fait brasser.

La session au coucher du soleil réserve des visions magnifiques

Il arrive que le swell soit vraiment petit (le lendemain de notre arrivée uniquement), on va dans ce cas surf à un beach break super sympa, un peu genre Hossegor mais avec une lèvre moins épaisse. Des petits triangles qui jettent et lâchent le surfer dans une vague courte et creuse. Elle se trouve a 10mn de bemo (20 cents). C’est une plage idyllique avec des vagues qui fleurent bon la France. L’eau est bouillante et c’est un vrai plaisir de se lâcher sans le stress du corail (surtout pour un deuxième jour). Je choppe quelques belles vagues (1m50) et j’arrive meme a rider un tube pendant quelques secondes. Les vagues sont sympa car il y a de la place dans le tube et la lèvre est fine. Petite rencontre avec ma planche après m’être fait boite dans le tube : pan dans le nez ! Un bon bleu et une nouvelle bosse. J’aurai droit a un autre pet sur le nez un autre jour en faisant le golio en body surf en fin de vague a cote de ma planche. Merci les ailerons pour la coupure…

Il reste le pipe. Pendant les premiers jours de bon swell, j’en ai surtout entendu parler, elle restait a l’état de rumeur. C’est parait-il une vague tubulaire, rapide et shallow. Certains l’appellent le pipeline de Sumatra, pour d’autres c’est une vague de tarés inaccessible. Dur de se faire une opinion sans l’avoir vue. On voit revenir des gars avec des planches raccourcies de 20cm, des dos écorchés. J’ai mis un peu de temps a aller y surfer et la première fois fut un échec. Réveillé a 5h du mat, je me rendors pas mais sors humer l’air a coup d’exercices de Qi kong. Il fait frais et sous la pleine lune on y voit comme en plein jour. Les vagues déroulent comme si la nuit ne les dérangeait pas et quelques chauves souris continuent de batifoler en attendant le jour. Quelques silhouettes viennent de temps a autres checker les vagues alors que d’autres ronflent encore. Echauffements de kung fu puis séance de yoga, tout y passe pour sortir mon corps de son noeud dans lequel il s’est enfermé pendant mon sommeil. Un bon petit dej et on décolle pour le spot a gros barrels. Il faut d’abord pour rejoindre la route suivre un petit chemin qui serpente dans un champ de cocotiers.

On arrête un bemo une fois sur la route, comme il est quasi plein, je me retrouve sur le toit avec ma planche non attachée et presque rien pour me tenir. Heureusement, la route est globalement droite et en bon état. J’ai la meilleur vue possible depuis mon perchoir avec des champs, des cocotiers a perte de vue, des animaux sur le bord des routes autour des maisons et pleins de gosses a qui dire bonjour. Je suis a moitie assis sur ma planche, mon tapis volant qui m’emmène au travers de la jungle. On s’arrête 10mn plus tard dans un hameau. La traversée se fait au son du “hello mista !” et après avoir réveillé quelques veaux et leurs mères on déboule sur un plage de sable très fin (pas blindée de morceaux de corail) et cocotiers avec un lagon parfait pour s’y baigner. Petit hic, les vagues sont énormes et des grosses sections tombent sur la plupart. On y retourne le lendemain avec une houle plus petite. La mise a l’eau est facile car il y a une passe. En arrivant au peak, des taches jaunes bougent sous mes mains, des dizaines de poissons jaunes et noirs nagent en dessous de moi. La vague est impressionnante, rapide et dés le take off on voit le reef filer sous les pieds. Je la joue cool, humble pour un premier contact. Ca ne m’empêche pas de me coller sous la lèvre pendant de longues secondes…


Les personnages à Makra


Ma peinture ressemble à ces peintures de scènes religieuses de je ne sais plus quel style ni quelle époque ou on voit différentes actions se passer en même temps sans réel lien mais avec certains personnages d’une scène qui regardent celle d’à côté. En fait il y a plusieurs groupes de gens qui fonctionnent un peu pareil et vivent un peu selon le même rythme.

Tout d’abord, il y a la monstrueuse équipe néo-zélandaise. En effet, mon ami John n’est pas vraiment venu seul. D’ailleurs son nom complet est John K., alias J.K., alias Jaykay, alias Jackson pour ses potes et je l’ai pour ma part surnomme “the Dude” en référence au Big Lebowsky, surnom qu’il n’apprécie pas du tout mais que tout le monde reconnaît comme carrément adapte au personnage.

C’est un gars qui parait assez austère au premier abord et j’arrive toujours pas a comprendre pourquoi d’ailleurs mais il a fait le même effet aux français Thomas et Brice qui étaient a Makra en même temps que moi. Passé deux minutes a parler avec lui tu t’aperçois que c’est une crème, super gentil et vachement cultivé. Quand on parle des connards qu’on peut être parfois dans la vie et que je lui parle d’un philosophe français qui dit en substance que le connard est quelqu’un qui se trompe, il me répond : “j’aime bien philosophie, c’est Voltaire non ?” En plus il a bien voyagé et ça se sent. J’apprécie aussi son caractère quand je vois ses amis, très différents de lui et avec qui il s’entend a merveille.

Il y a trois potes arrives deux jours après nous et parmi lesquels un de ses vieux compagnon de route, Ali (Alister).

Il a vécu un an a Hossegor, assez antipathique au premier abord, légèrement buté, aillant une fâcheuse tendance a snaker au peak mais avec un bon fond. Il s’est pas mal pris la tête avec Thomas qui revient de 3mois en Nouvelle-Zélande et n’a pas trop apprécié la population locale et leurs moeurs a l’eau (plutôt combative)… Il y a aussi Adam, plutôt gringalet, qui réalise des clips de promo pour les émissions de TV

Il est assez marrant avec ses yeux qui roulent comme des billes et est vite sympa. Et enfin il y a Paul (aussi appelé Darry) il déchire carrément en surf même s’il est backside, plutôt discret et fluet mais agréable a vivre et qui a la particularité de ressembler a l’acteur de Platoon, Willem Daffoe.

Deux autres compatriotes se sont installes dans la même baraque que nous, on forme donc un camp a part dans le losmen ce qui est assez marrant. C’est le genre d’ambiance que tu retrouves quand tu pars entre potes, sauf que c’est des gens que je découvre. Ces deux derniers la bossent a Jakarta et sont la part hasard, Harvie est prof d’anglais et c’est un vieux pote de JK, ils ne se sont pas vu depuis 5ans. C’est un gars bizarre, moitié marrant, moitié gros con mais attachant, un type a plusieurs personnalités quoi. Il connaît bien les filles du losmen et les charrie constamment. Celui qui l’accompagne n’est autre que le gars que je croiserai quelques jours plus tard dans un ascenseur en partant de chez des potes de Rahan. Le monde est petit…

A côté de notre clan, on trouve un couple d’australiens qui travaillent 6 mois de l’année. Excessivement gentils l’un comme l’autre, ils ont une vie simple et sont très agréables à vivre. Dylan surf très bien et est super détente au peak, sa copine squate généralement la dernière de section de la vague . Elle était pendant longtemps la seule fille au losmen et son imposante poitrine en a fait suer plus d’un !

Deux gars de Western Australia pas franchement sympas mais avec qui on peut parler poliment sont aussi la. Deux autres surfers du genre stéréotype du surfer borné : ils envoient du gros sur le surf, se filment avec une camera étanche, regardent ça le soir à table sans vraiment parler a grand monde et quand ils parlent ils prennent une sorte d’air lazy absolument à baffer. Leur autre occupation est de regarder des mags de surf en gueulant a chaque tof : “Waouh ! Look at that man ! That’s sick !” J’ai eu l’occasion de surfer avec eux une droite qui déroule en fin de vague les jours de gros, a un moment on s’est fait surprendre par une grosse série qui décale et un des abrutis a cote de moi gueulait “I love it !”.

Un type de San Francisco d’une zenitude a toute épreuve est aussi dans la place, très discret, il est prof en primaire en remplacement.

Il connaît Yann car il est reste 6 semaines sur un même spot a l’ouest de Java !. On a eu droit un soir avec lui a un combat de surf slang alors que lui et les néo-zélandais se racontaient des histoires de surf. Lui c’est “Dude” tous les 3 mots et les autres (comme les australiens d’ailleurs) c’était “I recon’” .

Enfin, sur la fin une famille est arrivée avec un gosse de 14 ans qui faisait déjà grand. Les conversation n’en ont pas change pour autant en parlant drogue et cul sans pb…

Dernier jour, un nouveau pote neo-z de JK débarque. C’est un photographe de surf et il a croisé Yann lors d’un boat trip…


Le village

Il vient un temps où, quelque peu rassasié de surf et en mal de fruits (les bananes ça va 5min), on ressent le besoin d’aller en ville. Enfin, en ville c’est un bien grand mot car la ville est un petit village de pêcheurs avec des bémos en pagaille, des petites boutiques et un marché. Ca fait un bout de chemin mine de rien, en comptant les 2-3 courses on en a pour 2h… Il faut alors se couler dans le rythme indo. Prendre le chemin à travers la forêt de cocotiers, passer dans l’arrière cour des maisons des paysans avant d’arriver à la route. Là, des enfants et des plus grands, habitués à voir les surfeurs débouler nous accueillent à grands coups de « Hello Mista !! ». Il faut ensuite se trouver un petit coin à l’ombre en attentant qu’un bémo passe (5min max). Après avoir fait stopper le véhicule en faisant signe au machiniste, on balance le traditionnel « Saya mau ka makra » (Je veux à makra). Chaque trajet est alors différent suivant le chargement du bémo, on est plus ou moins nombreux avec des poules, des chèvres et des gens qui ont plus ou moins envie de vous faire parler. On essaie un peu de saisir des mots, il y a le traditionnel « dari mana ? » (de où ?), si on ne le comprend pas ils rajoutent généralement « Australia ? » et alors on peut dire « Tidak, Francese » ce qui déclenche le fameux « Zidane ! ». Il y a ensuite l’échange des noms « Siapa nama anda ? » (qui nom vous ?) « saya nama Boris ». Après ça se complique et on calme les chevaux : « saya bisa sedikit bahasa indonesia » (je pouvoir un peu langue indonésien). D’autres phrases se perdent dans le vide et en réponse on leur donne le « saya tidak mengerti » (je pas comprendre) et la suite du voyage se poursuit avec des sourires. En revenant du village hier, je suis tombé sur un gars qui voulais que je m’installe à l’avant avec lui (on était donc trois à l’avant de ce pick up bâché. Le type super imposant qui passait son bras autour de moi était du genre causant, j’ai même fini par lui apprendre du français ! De temps en temps, je tombe sur des gosses tellement petits qu’ils ne sont pas habitués aux occidentaux et se mettent à pleurer quand ils me voient. Il faut dire qu’un géant avec le nez tout bleu c’est pas courant…


Coconut island :


Avant de partir, on se décide à aller jeter un oeil à l'île qui se trouve à 1h de bateau. Une petite excursion avec l'équipe Néo-zélandaise et le couple australien s'est mise en place un peu à l'arrache et on décole à 6h du mat.

Nous avons réquisitionné le plus gros bateau du port pour nous amener vers cette île qui pourrait regorger de spots...

Le Dude profite de la traversée pour finir sa nuit

et à notre arrivée on découvre le décor : une droite un peu clapoteuse à gauche de l'île

et une gauche qui malheureusement sature avec cette grosse houle, à la droite.

Les pécheurs ne sont que peu intrigués de nous voir nous agiter dans ces eaux inhospitalières et une bande de dauphins viendra se joindre à nous pour batifoler dans l'eau.

Des rêves :

Je sais pas si c'est la chaleur, la malaria qui me travaille le cerveau ou l'excès de vague mais mes rêves partent en lianes. Outre le fait que j'ai l'impression de soutenir ma thèse une fois par nuit, je fais des efforts considérables pour terminer un triathlon qui n'en finit pas et qui se mèle à des aventures digne d'Indiana Jones et de James Bond. Quand ce n'est pas ça, je me vois dans un énorme cinéma pendant les nuits de la glisse et ça dégénère en émeute de prison façon Natural Born Killer. Il m'arrive aussi de me faire attaquer en pleine forêt par une bande de tarés armés de paint ball ou bien par un caïman qui m'aggripe le bras. Il est temps de changer d'atmosphère...

Le retour :

9 août. 3/4h avant de prendre le bus pour Jakarta. Je suis posé dans un petit resto pour bouffer. Je viens de sortir mon petit cahier et c’est la grosse attraction. Un mista qui écrit et en français ! Ca en jette. Pendant que j’écris ils regardent le petit guide assimil qui me sert à bredouiller en indonésien. J’adore cette sensation de décalage total dans lequel je suis, c’est à la fois très embarrassant et très enrichissant. C’est exactement comme sortir un ordinateur portable, les gens sont autant fascinés et morts de rire sauf que ça n’a rien à voir avec l’argent, c’est juste la différence et peut être un peu le pouvoir de l’écriture. On parle du prix du billet d’avion et je le divise par sept pour ne pas trop choquer. Le chauffeur de car est venu me chercher, finalement on part plus tôt que prévu, il a exactement l’allure de Benicio del Toro dans Traffic. Un vrai flic mexicain en civil qui parle 2 mots d’anglais.


Je deviens sourd. Le bus tremble au son des chansons de variété indonésienne. On est dans les tons verts, autant à l’aller le rose prédominait et c’était assez roots niveau confort, autant là c’est très propre et même si le car est plus petit et moins cher, la clim marche et elle est bien réglée. Tout irait donc pour le mieux s’il n’y avait pas cette zik. Toutes les chansons se ressemblent et mes oreilles, déjà abîmées par l’eau de mer et le vent ont du mal à supporter ce son. Des gens montent au fur et à mesure, un rattrape même le car en mob pour monter. J’ai acheter un épis de maïs cuit à l’eau à un vendeur ambulant monté à la station service à 5 centimes d’euros… En pleine montagne recouverte de forêt vierge, je m’attends à chaque instant à voir sortir de derrière la colline un hélico US et des fougères une patrouille armée jusqu’aux dents et désabusée.

Petit arrêt dans un mahakan (restaurant). Comme d’habitude, on apporte l’ensemble des plats sur la table. Je prends du poulet et du riz (le poisson ne me dit rien, c’est de savoir de quand il date par ici). Un peu de vocabulaire en regardant le menu : le poulet (ayam = 55 cents) et le riz (nasi = 35 cents) mais aussi le poisson (ikan), la soupe (sop) et les légumes (sayur). Il y a d’autres trucs mais je ne connais pas le nom ni en français, ni en indonésien (pas dans l’assimile).

A force d’entendre toujours les deux mêmes chansons, je commence à saisir des mots, « hati » (cœur), « saya » (je). Tu m’étonnes, si c’est pas des chansons d’amour ça. On a pas fait mieux depuis « la Boum » ! Et en plus au niveau du rythme on est pas loin. Niveau vocabulaire, j’ai aussi appris aimer « suka », c’est pratique pour la bouffe et connaître « kenal » ce qui permet de toujours répondre « je ne comprends pas ».

En arrivant sur Jakarta, une rue semble dédiée entièrement au Viagra. Toutes les petites boutiques sur le bord de la route en propose. Un peu plus loin se succèdent des marchés dont la taille n’a d’égale que la vétusté. Dans la pâle lumière de l’aube, seule le type d’éclairage les distingue les uns des autres. Ici un marché entièrement éclairé avec des ampoules rondes, alors que là on trouve des néons. Sur le bord de l’artère principale se sont installé des vendeurs en tout genre, un type fait des clés minutes avec trois pauvres clés toutes rouillées alors qu’à côté un magasin propose des échantillons de moquette toutes identiques, couleur poussière.

Je partage un taxi avec un des gars du car. Le chauffeur à un peu de mal (c’est rien de le dire) mais il finit par trouver en demandant à gauche à droite au moins 20 fois. On débouche dans un dédale de ruelles qui deviennent de plus en plus étroite, à croire que les gens qui habitent là n’ont jamais vu l’artère principale juste à côté. En arrivant vers chez Yann on croise un train sur lequel sont montés des centaines de personnes, apparemment quand on monte sur le toit on ne paie pas et c’est autorisé. Enfin la gratuité des transports publics !!

Boat trip :

Je débarque alors que l’apéro commence. Emilie et Myriam sont arrivée de France et les copains de Jakarta, Max et Mathias

sont là prêts à partir. Je vais faire les courses de bouffe pour la semaine avec les filles qui viennent d’arriver et Mathilda la colloc de Yann. Que n’avais-je pas fait ! Je me suis retrouvé à faire du shopping dans le plus grand magasin que j’ai jamais vu où chaque étage est non seulement immense et rempli d’articles les plus variés mais ces articles ne sont pas présentés sur des moches présentoirs en fer mais sur des meubles en bois massif. Cet endroit est l’enfer pour tout Chamo qui se respecte et le paradis pour des filles en mal de shopping. Résultat : cache-cache dans un grand magasin. Heureusement, on est pas excessivement pressé, chose assez naturelle en Indonésie.

Le départ est fixé vers 2h du matin car il y a un peu de route avant d’arriver au port et c’est quand même mieux de partir de jour et le plus tôt possible. On charge les planches et les sacs sur les deux voitures et les chauffeurs indonésiens avalent du Red Bull pour tenir le coup.

La cassette de Rahan, un album de Bob Marley, tourne en boucle pendant les heures que durent le trajet. Le port est un petit village du bout de l’Indonésie avec des bateaux au mouillage auxquels on accède par des petites barques depuis la plage.

Je suis Rahan dans un petit boui-boui qui nous fournit dans un petit déjeuner, à savoir du riz blanc et de la viande en sauce qui arrache servis dans un petit paquet en papier. Ca remet d’aplomb et ça permet d’avoir quelque chose dans le ventre avant de prendre la mer. Emilie fait sa star en s’évanouissant pour cause d’hypoglycémie alors qu’elle achetait des ananas. Du coup, la moitié du village l’entoure et on est obligé de l’isoler chez le chinois qui va nous embarquer pour échapper à ses fans.

Après ce petit rebondissement on charge le bateau en vivres et en eau et on met les voiles ou plutôt le moteur. Notre bateau est un joli navire d’une vingtaine de mètres avec une cabine pourvue de deux grandes paillasses sur lesquelles on se prélasse. Le toit s’étend jusqu’à l’arrière du bateau où une petite cabane est posée. En effet, on a l’immense privilège de profiter d’un cabinet de toilette. C’est la version fille des bateaux de croisière pour surfeurs.

Après 5h de mer, on arrive à l’archipel d’îles tant escompté.

Les spots sont à l’intérieur d’un croissant de cocotiers, de sable et de corail. Des gauches abritées du vent d’un côté et des droites plus exposées de l’autre. On croise un bateau qui s’en va, tient il y a les surfeurs bornés de Makra ! Comme quoi on tourne un peu tous sur les mêmes spots. On fait un essai sur un premier spot. On rentre dans l’eau en sautant du toit du bateau.

L’eau est brûlante et translucide.

On accède à la terre par une passe minuscule dans le récif. On prend pied sur une plage bloquée entre le lagon et la jungle. Cette dernière est effectivement assez hostile. Derrière une butte faite de corail mort, une barrière de lianes empêche toute intrusion pour nos pieds tendres. On repère des traces de sabots sur la plage… En effet, le lendemain au lever du jour on verra des biches sur la berge à une centaine de mètres du bateau.

Biches break est une vague comprenant deux sections tubulaires,

la première juste après le take off est assez jouable alors que sur la deuxième la vague s’enroule sur la fin du reef avec plus ou moins d’eau suivant la taille, la direction de la houle et la marée…

Le vent mal orienté nous oblige à nous mettre à l’eau sur LE spot de l’île. Une gauche tubulaire, rapide et très longue qui casse quasiment à sec sur un récif affûté. La légende veut que sur une vidéo tournée ici un gars s’est pris un barrel pendant 60secondes…

Après observation depuis le bateau, il apparaît que la houle est légèrement trop petite pour que le spot marche et les séries sont très espacées. Il ne nous reste qu’une heure de jour alors il ne faut pas traîner. Rahan décline l’invitation et on se retrouve au peak à deux avec Yann. Ce dernier n’a jamais surfé sur cette vague mais il a quelques informations précieuses, le take off par exemple se fait en face d’un arbre dont il ne reste que le tronc. Autre chose à savoir, la vague est très rapide et il n’est pas question de surfer devant le tube, c’est dans la chambre verte et c’est tout ! Voilà pourquoi on a sorti les guns de leurs housses, ce n’est pas tant la taille (un peu plus d’un mètre), mais la vitesse de la vague qui rend l’usage de ces engins nécessaires. Yann a dégainé la Byrne (7’2) du fréro et pour ma part j’ai mouillé la flamming (7’5) du kamikazé. Dernier détail, qui a son importance, la profondeur est ridicule ce qui rend la chute interdite sous peine de se faire quelques escalopes dans le dos. Il y a environ 20mn entre chaque séries et ça nous laisse que peu de temps pour nous placer. Assez timides au début, on se rapproche petit à petit du reef qui a franchement une sale gueule. En ramant sur des vagues trop petites pour être surfées on s’aperçoit vite que la vague assèche le récif lorsqu’elle déferle. A voir la série dérouler on remarque aussi que le tube commence sous le niveau de la mer, en plongeant pour jeter un œil au récif on comprend pourquoi, ce dernier forme une énorme marche sur laquelle la houle vient buter. Analyse de l’ingénieur et du docteur en mécanique des fluides : ça va chier ! La motivation est à son comble, ça fait un bail qu’on a pas surfé ensemble et le challenge est considérable. On a là la possibilité de scorer une vague de taré, encore faut-il que les vagues nous le permettent. Et oui le soleil est en train de se coucher et ça va être chaud. A force on s’est bien rapproché du reef, on se trouve maintenant à environ 5m de ce dernier. Pour que les vagues arrivent, on commence à entonner Santiano : « c’est un fameux trois mâts fin comme un oiseau… » et là c’est l’hallucination : la série arrive. Etant le mieux placé sur la vague je rame vigoureusement sur ma pirogue bleue. L’œil rivé vers l’épaule de la vague. Surtout ne pas regarder à droite où la vague explose sur le reef à sec. Je pars bien en travers, tellement que je suis un poil en avance.. J’ai donc le temps de remonter sur la vague et d’incliner la planche dans la ligne avant de voir la vague se déformer, la paroi de la vague se creuser. La ligne de houle qui faisait un petit mètre à l’approche du reef se dresse et prend de la hauteur par le bas ! Je me retrouve donc dans un tube carré, à peine fléchi, lancé comme une balle avec la stabilité d’un porte-avion. Au bout de deux secondes je me rend compte d’un truc : il ne va pas y avoir de répit. Je n’ai pas le choix, il faut que je continue. Si je tombe, je me fais éclater sur le reef (l’eau bouillonne en bas de la vague) et je ne peux pas sortir par devant car la vague n’a pas l’air de vouloir ralentir et je suis à 10m de pouvoir sortir par l’épaule. Je décide donc de faire durer le plaisir et de voir, à l’instinct. Le temps s’arrête, la vague est figée, la lèvre tombe régulièrement toujours de la même manière. Le son est complètement assourdi. Si je ne suis pas passé dans une autre dimension j’ai au moins changé de référentiel. Je ne me déplace plus sur la vague, je suis au cœur d’une sculpture liquide. Chaque second que je passe dans le tube est multipliée par dix dans mon référentiel. Compte tenu de ma vitesse, chaque minute est plus longue à distance parcourue égale… Tout à coup, je sens la vague changer : la lèvre se soulève. J’en profite pour me laisser descendre légèrement pour mieux remonter et plonger dans la paroi. Hhhhhaaaaaaaaa !!!!!!!!! Je me relève avec de l’eau jusqu’aux chevilles. J’ai juste le temps de plonger dans une tranchée du récif sous la vague suivante laissant ma planche derrière moi. Heureusement, il n’y a que deux vagues dans la série. Je gueule sur la cinquantaine de mètres qui me séparent du bateau. Rahan m’alpague : « putain mais t’es resté au moins 10s dans le tube ! J’ai cru que t’allais jamais sortir ! ». Plus tard il réduira la performance à 6-7s mais quand même. J’ai les yeux qui brillent, la banane version king-size collée au visage et les jambes qui flageolent. Alors que le ciel s’assombrit, Yann scrute l’horizon. Il n’a pas pu chopper la deuxième vague de la série. Il ne peut pas rentrer broucouille. Non au déshonneur. Alors que mon cœur se calme peu à peu, une dernière série se pointe, il ne peut pas la louper ! Bien qu’un peu à l’intérieur, il s’engage dans un barrel ultra profond. Du bateau, la vision est impressionnante : on le voit se faire complètement enfermer, disparaître, puis réapparaître brièvement avant de disparaître dans le bouillon infernal. Hhhhhhhaaaaaaaaa !!!!!! Même explosion de joie pour Yann qui s’est collé un énorme barrel hyper profond. Je saute du toit alors qu’il s’approche du bateau. La soirée se déroule les yeux dans le (la) vague, avec presque autant d’étoiles dans les yeux que dans le ciel.


Le lendemain,..( la deuxième partie du récit pour bientot)