Le témoignage de Yannick qui donnait un cours de surf quand le Tsunami est arrivé. Article de Ouest France du 31/12/2004

« Propulsé dans la jungle avec mon surf »

Originaire de St Nazaire et possédant des attaches familiales à Brest, Yannick., 35 ans, est professeur de surf à Midigam, une zone touristique au sud du Sri Lanka. Dimanche matin, il donnait un cours, avant de se retrouver propulsé dans la forêt, entouré de cadavres.

« J’avais un cours de surf à 9h. On a garé le van devant la plage de Welligama et on s’est mis à l’eau avec nos trois élèves : une Suédoise et deux Canadiens. Il y avait des vagues de 80cm. Au bout de 10min, l’un d’eux m’a signalé que la mer montait. Elle atteignait la jungle. Vite, je leur ai dit de partir au large et surtout de rester attachés à leur planche. Je ne connaissais pas le phénomène. Mais je sais qu’en mer, quoi qu’il arrive, avec une planche, tu survis.

Mons souci était qu’ils n’atterrissent pas dans la jungle, contre un arbre. C’est ce qu’il m’est arrivé alors que je me dirigeais vers la côte pour prévenir le chauffeur resté dans le van. Ce n’était pas vraiment une vague, mais un courant énorme qui m’a propulsé avec ma planche dans la forêt. J’ai buté contre un arbre. Je me suis accroché, mais je n’arrivais pas à résister aux flots. Je me suis laissé porter. Puis, ma planche s’est brisée contre un palétuvier. J’ai réussi à grimper dessus. C’est alors que j’ai vu des gens se noyer autour. Ils criaient et je ne pouvais rien faire[sanglots…]. C’est terrible. Terrible…

« Cela a peut-être duré deux ou trois minutes. Les arbres craquaient tout autour. Puis l’eau s’est retirée sur 500m. Je suis alors allé chercher mon chauffeur. Il s’était cramponné à un cocotier. Le van était à 150m plus loin dans la jungle. Tout le monde était mort autour. On a vite couru vers un immeuble. Toutes les maisons étaient détruites. Puis la mer est remontée, moins forte.

« Nous étions les seuls survivants »

« Ensuite, je suis reparti au large pendant 2 heures. J’ai retrouvé deux élèves. Puis le troisième qui avait été repêché par un bateau. J’ai ramené une femme morte sur la plage. A nous 5 : les 3 élèves, le chauffeur et moi, nous étions les seuls survivants de toute la plage [silence].

La plupart des gens ne savent pas nager ici. Il y avait des morts partout, dans les arbres, les maisons qui se sont écroulées sur eux car beaucoup dormaient encore en ce lendemain de Noël. La route qui longe la plage est très fréquentée. Des bus entiers de 30 tonnes avec 40 personnes dedans ont été balayés comme des plumes ! C’est pire qu’une bombe !

« Autour de la plage de Welligama, 65 maisons ont disparu. Ecoles, bureau de police, gare, tout a été détruit jusqu'à 1,5km dans les terres. On compte 700 morts. A côté dans le village de pêcheurs de Denuwela, il n’y a plus une seule maison. Il ya environ 300 morts sur les 600 habitants.

« Aujourd’hui, il y a une odeur de décomposition. Les forces de l’ordre ont pour consigne de photographier les morts, prendre leurs empreintes digitales et brûler les corps sur place. Je ne pense pas qu’il y aura une épidémie. Tout est bien organisé, maintenant, avec des livraisons régulières d’eau et de vivres. Tout le pays est très solidaire. En revanche, tout le monde a peur d’une réplique. La majorité des gens du bord de mer sont partis dans la jungle. Le long des routes, les Sri Lankais tendent la main. Ils n’ont plus rien ? Rien ! Pour survivre çà ira. Mias dans un mois, quand il faudra tout reconstruire, le gouvernement n’en aura pas les moyens. On aura vraiment besoin d’argent. »

Recueilli par Sébastien Panou

La famille de Yannick Poirier vient de fonder une association pour venir en aide au village de Midigama : « Aidons midigama au Sri Lanka » mairie de Gouesnou(29850)
Email : aidons-midigama@hotmail.fr